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Si certains pays, comme les pays communistes de l’Est vont imposer un monopole exclusif et contrôlé par l’État, d’autres, comme les États-Unis, vont laisser un secteur privé se développer en toute liberté.
La France va se situer entre ces deux systèmes, en développant une radio d’État au niveau national et régional mais en autorisant aussi un nombre limité de radios privées.
La direction des radios d’État va être confiée au ministère des PTT (Postes Télégrammes et Téléphones) et les programmes seront confiés à des associations. Quant au secteur privé, on va y trouver les constructeurs de récepteurs qui ont besoin de stations de diffusion attractives pour vendre leurs récepteurs. La presse nationale et locale va aussi monter ses radios afin de garder la maitrise du marché publicitaire. Enfin, les autres stations vont souvent être le fait de passionnés, parfois de collectivités locales, voire de syndicats professionnels.
Assez rapidement, le financement des radios d’État, comme celui des radios privées, va faire l’objet de débats. L’instauration d’une redevance sur les récepteurs pour financer les radios d’État va dégager ces radios de la tentation d’y faire de la publicité, comme elles avaient été contraintes de le faire. Quant aux radios privées, elles finiront par obtenir le droit de diffuser des messages publicitaires, système plus efficace que les émissions patronnées qui étaient leur seule source de financement.
Il faudra attendre les années 30 pour que l’organisation de la radio soit rodée en France. Les radios d’État seront au nombre de 15. Quant aux radios privées leur nombre maximum sera aussi d’une quinzaine de radios.
Mais le secteur privé, sentant que les autorisations d’émettre étaient précaires et les risques de nationalisation évoqués chaque fois que la gauche était au pouvoir, a réussi à construire de puissants émetteurs en bordure des frontières avec la complaisance de petits États tiers. Ainsi, dans les années 30, deux puissantes radios périphériques vont s’installer au Luxembourg et en Principauté d’Andorre. Radio Luxembourg sera le fait des anciens propriétaires de Radio Paris (ex Radiola) qui avait été nationalisée par l’État en raison de sa trop grande popularité. Quant à Radio-Andorre, elle appartenait au propriétaire de la puissante radio privée Radio Toulouse qui avait réussi à constituer un réseau en France mais aussi dans d’autres pays européens.
Lors de l’occupation allemande, la radio fut réorganisée de 1940 à 1944. Dans la zone Nord, les radios privées furent interdites. La radio d’Etat, Radio Paris, était totalement contrôlée par les allemands. Une seule radio régionale d’État fut autorisée : Radio Rennes-Bretagne. mais elle était aussi contrôlée entièrement par l’occupant.
Dans la zone Sud sous administration de l’État de Vichy pétainiste et collaborationniste, une nouvelle radio d’État fut instaurée depuis Vichy : La Radio Nationale. Mais dans cette zone, le secteur privé put rouvrir ses radios sous conditions. La principale condition était la diffusion des informations envoyées par la Radio Nationale de Vichy et l’instauration d’un programme unique en soirée pour la totalité des postes de la zone Sud : Radio Toulouse, Radio Lyon, Radio Montpellier notamment.
Quant aux radios périphériques, Radio-Luxembourg dut se taire car le pays était sous administration allemande. Et Radio-Andorre continua ses programmes musicaux, sans information, depuis la Principauté d’Andorre restée officiellement pays neutre. En 1944, une troisième radio périphérique fut montée en Principauté de Monaco, Radio Monte-Carlo, sous l’autorité de l’État français, des Allemands et des Italiens.
A la Libération, le monopole de la radio d’État fut instauré et les radios privées interdites sur le territoire français. La radio d’État (RDF, puis RTF, puis ORTF) proposera deux puis trois radios nationales et quelques radios régionales dont les anciennes radios privées nationalisées. Mais la radio privée qui avait toujours anticipé cette situation, se rabattit sur les radios périphériques. Radio Andorre poursuivit ses émissions, Radio Luxembourg (future RTL) reprit les siennes ainsi que Radio Monte-Carlo (future RMC). Dans les années 50, elles furent rejointes par deux autres radios périphériques, Sud Radio depuis l’Andorre et Europe 1 depuis la Sarre.
Cette situation perdura jusqu’à la fin des années 70. Dans la mouvance de mai 68, la jeunesse ne voulait plus d’une radio muselée par l’État. Le monopole fut contesté et des radios pirates furent lancées à Paris et dans toute la France. Cette fois, elles étaient soutenues par la gauche qui avait inscrit la libération des ondes dans son programme électoral. Lorsqu’elle arriva au pouvoir en 1981, elle mit donc fin au monopole d’État de l’ORTF qui était devenu « Radio France ». Les radios pirates devinrent des « radios libres » et les émetteurs se multiplièrent sur le territoire. Pour éviter la cacophonie il fallut que l’État règlemente la situation. Très vite, une autorité de régulation fut mise en place pour accorder les autorisations d’émettre. Si la publicité, d’abord interdite, fut autorisée, de nombreuses contraintes furent imposées aux radios : des quotas de chanson française, des puissances limitées, un cahier des charges à respecter, etc…
Cette période fut une répétition de la période antérieure des années 20 et 30. Elle aboutit d’ailleurs au même résultat : Une radio nationale qui assurait une mission de service public pas toujours compatible avec la popularité et un secteur privé qui vit de nombreuses disparitions mais surtout une concentration des stations au sein de quelques réseaux. Néanmoins un secteur associatif dynamique réussit à persister avec des petites radios indépendantes, aidée par l’État pour leur financement grâce à un fond de soutien à l’expression radiophonique.
Dans les années 2000, les trois secteurs (public, associatif et commercial) cohabitent assez harmonieusement. Mais un nouvel acteur va profiter de l’évolution des techniques pour faire son apparition : celui des webradios. Désormais il n’y a plus besoin d’émetteur, donc d’autorisation d’émettre. Avec juste un ordinateur on peut être entendu dans le monde entier… Mais pour en vivre, il faut que les programmes soient attrayants et populaires, seule garantie d’une possible ressource publicitaire.
Aussi dans les deux décennies qui vont suivre on va assister à une troisième répétition de l’histoire : une multiplication des stations, une nécessité de les financer et des tentatives de régularisation. Mais contrairement au mouvement des radios libres, les radios politiques et protestataires semblent relativement absentes. La programmation 100 % musicale constitue l’essentiel des nouvelles webradios. Et sur ce terrain elles sont aussi concurrencées par les podcasts et les services de musique en ligne qui proposent des streaming : Deezer, Spotify, Soundcloud, Google Play, Apple Music, etc…
Quant aux autres radios, on a assisté à un effondrement assez prévisible des anciennes radios périphériques qui n’ont plus la première place de l’écoute en France. C’est d’ailleurs le service public qui a pris cette place avec France-Inter devenue première radio de France à la place de RTL. La radio d’information du service public ravit en 2021 la troisième place devant le réseau NRJ. Quant à la périphérique Europe 1, si populaire dans les années 60 et 70, elle poursuit sa descente.
A partir des années 2020 on assiste aussi au déploiement de la RNT (DAB+), nouveau mode de transmission appelé à remplacer, à terme, la diffusion en FM. Mais ce système, toujours soumis à des autorisations accordées par l’autorité de régulation (CSA) reste assez proche de celui des radios FM, avec juste une meilleure qualité d’écoute, un nombre de stations largement augmenté et une couverture, à terme, qui devrait être plus complète que celle de la modulation de fréquence.